André LAIGNEAU

Papy,

Nous n’avons jamais été très douées pour dire ce que nous ressentons. Nous avons toujours préféré les gestes aux mots. Un trait de famille, sans doute, que nous partageons tout particulièrement avec ton fils. Et, aujourd’hui, trouver les mots nous semble encore plus difficile.

Mais nous réalisons qu’il y a tant de choses que nous aurions aimé te dire.

J’aurais aimé te dire de partager un dernier repas avec nous, autour d’un verre de vin rouge et d’un flan en dessert. Te voir raconter, encore une fois, tes anecdotes que nous connaissions par cœur, mais que nous écoutions toujours avec la même attention, le même plaisir. Et puis, comme à ton habitude, t’entendre nous lancer, avec ce ton bien à toi, pendant nos échanges : « Les filles, articulez ! On ne comprend rien quand vous parlez ! ».

J’aurais aimé te dire à quel point ta présence à nos côtés, pour les moments importants de nos vies (spectacles, diplômes, naissances d’Evan et de Meva, mariage), a été précieuse. Grâce à toi, nous avons grandi avec cette conviction profonde : la famille, c’est ce qu’il y a de plus essentiel, de plus fort.

J’aurais aimé te dire merci. Merci pour tout l’amour que tu nous as toujours porté. Pour ce regard plein de bienveillance que tu posais sur nous, et ce sourire que tu avais sur ton visage dès que tu nous voyais. Tu t’intéressais à chaque détail de nos vies — qu’il s’agisse d’un changement personnel, professionnel ou même physique — rien ne t’échappait. Parce que ton amour pour nous était inconditionnel.

J’aurais aimé te dire à quel point nous aimions nos débats, même quand ils viraient à la mésentente. On finissait parfois par se disputer, mais toujours avec respect, toujours avec bienveillance. Tu nous as transmis cette volonté farouche de défendre nos convictions. Nos combats n’étaient pas les mêmes, mais on partageait la même force pour les mener.

J’aurais aimé te dire ma fierté chaque fois que tu me disais : « Tu ressembles à ma sœur, Monique. » Les mêmes traits, le même caractère. Je prenais ça pour le plus beau des compliments, car ton amour pour elle ne faisait aucun doute.

J’aurais aimé te dire merci. Merci d’avoir accueilli Alexandre et Rémi dans notre famille avec tant de naturel, de les avoir aimés comme tes propres petits-fils. Nous adorions vous entendre parler d’histoire, de politique, de football. Ton regard sur eux nous a donné la force de croire en nous, de nous construire, de rendre nos histoires plus belles chaque jour.

J’aurais aimé te dire notre admiration pour ton parcours, ton courage, ta ténacité. Avec toi, nous avons appris qu’on n’obtient rien sans effort. Nous n’oublierons jamais cette phrase que tu aimais répéter : « Tu veux être bouchère ? Aucun problème, du moment que tu es la meilleure bouchère. » C’est cette exigence, ce respect du travail bien fait qui nous guide aujourd’hui dans notre métier avec passion.

J’aurais aimé te dire combien nous trouvions touchante ta manière d’aborder les inconnus dans la rue, même si nos balades duraient trois fois plus longtemps à cause de ça.

J’aurais aimé te dire merci. Merci d’avoir toujours accueilli nos proches, nos amis à Guérande avec tant de générosité. Tu aimais recevoir, discuter, échanger. Chez toi, tout le monde se sentait à l’aise, comme en famille. Tu avais ce don rare de faire sentir à chacun qu’il était important, écouté, respecté. Tu as laissé une empreinte dans bien plus de cœurs que tu ne l’imaginais.

Et puis j’aurais aimé te dire pardon. Pardon de ne pas avoir trouvé la force de t’embrasser une dernière fois, quand on nous a annoncé que c’était la fin.

J’aurais aimé te dire d’aller dire au revoir à mamie pour nous. Nous n’en avions pas eu l’occasion, et cette absence nous pèse encore. Dis-lui combien nous l’aimons, combien elle nous manque, et combien nous pensons à elle. Vous voilà réunis, et cette pensée, malgré la peine, nous réconforte un peu.

J’aurais aimé te dire de ne pas t’inquiéter : ton fils et ta belle-fille ne seront jamais seuls. Nous te le promettons, nous ferons toujours en sorte qu’ils soient entourés, heureux, et fiers de nous.

Et puis, nous aurions aimé, simplement, te dire nous t’aimons.

Papa nous a souvent répété : « Ce n’est pas la chute qui compte, mais la manière dont on se relève. » Mais Papy, nous t’avouons que nous ne savons toujours pas comment nous relever de ton absence. Tu étais notre dernier rempart contre le monde des adultes, notre dernier lien avec cette enfance si douce, si joyeuse, passée auprès de toi, de Mamie Jo, Mamie Na et Papy Théo. Continuer ce combat qu’est la vie, sans vous à nos côtés, rendra chaque pas plus difficile.

Dors en paix, Papy.